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ANTOINE DÉCHAÎNÉ

Il a été étourdissant. Je ne l’indique pas parce qu’il était mon avocat ; mais je l’ai pris comme avocat parce qu’il est étourdissant. Cet homme est la vie et l’intelligence mêmes. Il a plaidé cette affaire de haut, comme il convenait. Et il a dit, avec la verve de Figaro : « Messieurs, on vous fait perdre votre temps ! »

L’adversaire a été vraiment d’une médiocrité… éminente. Par gratitude, à la sortie, j’ai tenu à lui serrer la main ! Si on n’a pas fréquenté le Palais, on n’a point d’idée de la misère d’arguments où peut tomber un avocat. C’est une profession lamentable, dès quelle n’est plus exercée brillamment. Lisez « Un Client sérieux », de Courteline, et ne dites pas : « C’est chargé ! » car ce petit homme en robe, payé par l’Arlésienne, a joué le Client Sérieux. Il n’a pas parlé de la femme de César parce qu’en une demi-heure il ne pouvait pas aborder tous les genres de divagation, mais il m’a désigné d’un doigt vengeur, me traitant d’écrivain « infâme » ! Puis, fiévreusement, il a saisi dans son dossier une page copiée à la machine et, relevant noblement ses manches :

— Messieurs, vous n’êtes pas sans savoir que Monsieur Benjamin a écrit sur vous, sur le Palais, un livre… un livre…