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ANTOINE DÉCHAÎNÉ

Mais… des fauves, il n’y en a pas que dans l’Indre. De plus chétifs, et aussi de plus félins, rampent à Paris dans les petits journaux et les petites revues. Ils commencent à projeter leur petit venin. Des amis généreux m’envoient toute une sale prose, où je lis qu’on ne sait quelle épithète me convient le mieux : celle de sot ou bien de malhonnête, car au « lion » qu’est Antoine, je viens — ô noirceur ! — de donner le coup de pied de l’âne ! On espère bien que le lion, si je retourne chez lui, me jettera dehors. J’y retourne : nous tombons dans les bras l’un de l’autre ; et Antoine résume la situation de son mot familier, redoutable, si vrai, si utile :

— Quels salauds !

Pourtant, l’artiste qui jouait le personnage de l’Arlésienne persiste à vouloir me traîner devant les tribunaux de mon pays et elle constitue avocat. Une amie de music-hall lui donne un nom et une adresse. L’homme à robe noire quelle pressent s’enthousiasme : « Benjamin ! Excellent ! Il s’est payé la tête des juges ! Je saurai le rappeler à l’audience. C’est un procès gagné ! » Ceci dit, il n’y pense plus. L’hiver passe ; les jours s’allongent, les honoraires aussi ; le bruit m’arrive qu’on va plaider ; un soir, je réfléchis :

— Tout de même, il faudra que je dise deux mots à mes magistrats. Campinchi (j’avais remis le dossier de