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ANTOINE DÉCHAÎNÉ

cun sait que de Paris à Arles on ne change pas, donc qu’on ne peut pas se tromper !

Là preuve est faite : tout ce que j’ai dit est faux. Pourquoi alors M. Paul Souday, qui est un esprit indépendant nourri d’une seule passion, la vérité, écrit-il dans le même temps (Paris-Midi, 16 septembre 1921) : « M. René Benjamin est un petit réaliste, enregistreur d’instantanés plaisants. Je n’étais pas à Arles ; mais je parierais que tout ce qu’il raconte est rigoureusement exact. »

Blanc d’un côté, noir de l’autre. Bravo ! On va pouvoir aller devant la Justice. Et, en effet, je ne sais quel huissier me fait parvenir quatre pages d’un charabia compact, dont je ne puis même pas prendre connaissance et qu’aussitôt je remets à la poste à l’adresse d’un ami friand de toutes les bêtises humaines.

On est en automne 1921. Avez-vous le souvenir de cette saison chaude, dorée, somptueuse, bienfaisante ? Je suis en Touraine, le corps heureux, l’âme au repos. On me télégraphie : « Qu’allez-vous faire ? » Je réponds : « Je pêche. Je vais continuer de pêcher. » Depuis trois semaines, sur le bord de l’Indre, je guette un brochet de huit livres, tapi dans les hautes herbes : c’est une chasse au fauve passionnante.