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ANTOINE DÉCHAÎNÉ

Puis ; comme les journalistes, carnet en main, l’interrogent encore : « Est-il vrai que vous ayez raconté l’histoire de l’étalon ? » Il répond d’une voix forte : « Non ! Ce qui est vrai, c’est ceci. » Et il la recommence.

Ce n’est pas tout. Le temps que M. Ravet, qui ne lit rien, se soit reconnu, d’autres qui lisent ont cru se reconnaître. Ils appartiennent tous à la Comédie-Française. Un seul demeure dans le doute : la rumeur publique le désigne cependant, jusqu’au jour où, dans les couloirs de la maison de Molière, il laisse tomber cette remarque fière et convaincante :

— Si c était moi, l’auteur aurait écrit mon nom !

Dans les cafés, chez les coiffeurs, au théâtre, au sein des rédactions, huit jours durant, on discute et on s’échauffe sur ce pauvre écrit… diffamatoire. Les personnages qui, d’abord, ont tenu à se reconnaître d’après certains traits d’une « odieuse ressemblance » proclament maintenant très haut qu’il n’y à là que « les fumées de mon imagination ».

— La preuve, dit le régisseur de la troupe, en avalant un demi ; ce sont les propos prêtés à Madame Bréval : « J’ai fait un voyage abominable ! Changé trois fois de train. Ma femme de chambre s’était trompée… » Or, cha-