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ANTOINE DÉCHAÎNÉ

Le vent court ; il s’élance. Il s’en vient sur les choses et les gens avec le bruit de la mer, ranime odeurs, couleurs, et donne à tout tant de force et de ton qu’il est l’annonce de la Poésie.

La plaine ondule ; sur les vieux rochers secs le romarin frémit ; la route blanche s’envole par nuages légers, pareils à des fantômes. Les avoines moutonnent ; les peupliers chantent ; les saules troussés paraissent d’argent ; il n’y a pas un brin d’herbe qui ne vibre et ne vive ; et le plus vieux mur est rajeuni par les ombres qui dansent en se profilant sur lui. Après tout, ce doit être le vent qui a emporté aussi la colère d’Antoine… Dans cette vie de l’air, passionnée et fougueuse, il est redevenu gouailleur. C’est avec bonhomie qu’il dit :

— Retravaillons !

Et maintenant, tout autour de cette ferme, il va peupler cette vieille terre, que le vent vivifie, de scènes humaines, charmantes, comiques, terribles.