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ANTOINE DÉCHAÎNÉ

— Quoi donc ?

— Nous sommes dix-neuf à bouffer, dix-neuf, et il y a une seule personne qui a travaillé ce matin ! C’est ce que j’appelle du gâchis !

— Patron, vous n’êtes pas juste…

— Pas juste ?

— Vous devriez être content !

— De qui ?

— De vous… et de quelques autres ! Vous abattez, sans vous en rendre compte, un travail formidable ; vous vous trouverez ayant fait, dans un laps de temps très court, deux fois plus de mètres de pellicules que n’importe quel metteur en scène, et ayant dépensé à peu près vingt-cinq mille francs de moins qu’il n’était prévu…

— Qu’il n’était… Ah ! çà mais… Mais ah ! çà…

Antoine balbutie, bredouille, s’étouffe.

Le voici rouge comme son foulard, à croire qu’il a un coup de sang. Il est littéralement égaré par ce que ses oreilles entendent. Est-ce que cet être-là se paye sa tête ? Est-il fou ? alcoolique ? Il