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ANTOINE DÉCHAÎNÉ

un autre blessé ; lui, se montre un jour généreux, confiant, enthousiaste ; le lendemain, navré, écœuré, rageant, pestant. Et pour vivre, pour nourrir sa « carcasse », il commence à faire du cinéma.

Le théâtre d’abord est tombé si bas qu’il n’y a plus place pour lui dans cette misère. Ensuite, cet essai d’art nouveau le sollicite et le tente : c’était fatal. Le cinéma à peine né, la niaiserie, la vulgarité, la platitude, la convention, le mélo, la petite fleur bleue, le cabotinage accourent et se disputent à qui sera parrain et marraine. Tout de suite, Antoine voit le danger, et suivant sa nature qui est double, qui est complète, qui lui fait pressentir le pour et le contre, il grogne :

— C’était prévu… et c’est bien fait !

Car il n’aime pas être dupe ni sensible à propos de bottes. Seulement, il ne se résigne jamais à la laideur ni à la bêtise, en sorte que la minute d’après, il proteste :