Page:Benjamin - Antoine déchaîné, 1923.djvu/138

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
140
ANTOINE DÉCHAÎNÉ

Nature le comble, mais il est seul, et ne voit rien venir…

Si : un nuage sur la route ; c’est eux ! Il ne regarde pas davantage. Il se retourne vers le Castelet… Mais quoi ? Ils ne sont pas encore là ?… Ce n’était pas eux ! C’est un troupeau de moutons, avec chiens, mules, berger, qui, bêlant, piétinant, à la fois docile et égaré, s’en va dans la poussière, vers la fraîche montagne, où l’herbe est, paraît-il, remplie de fleurs autant que les cieux d’étoiles.

Antoine s’arrête, regardant de tous ses yeux cette image de la Provence, qui est d’hier, d’aujourd’hui, de demain, d’une beauté sensible à toutes les âmes de tous les temps. Mais Antoine n’a pas d’appareil. Il rage… Il n’a que sa mémoire pour s’enrichir… en vain.

Alors, son cœur bouillant se décide à la colère. L’œil farouche, il scrute l’horizon, et il injurie ces gens qui ne viennent pas… et… et… que voici ! Ah !… En même temps qu’il les voit, il s’apaise.