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ANTOINE DÉCHAÎNÉ

vent ; d’Arles tout ce qui du passé peut émouvoir nos cœurs ; et il va prendre à présent au Castelet la campagne de Provence, dans l’intimité de sa vie quotidienne et magnifique. Il cherchera les couleurs et les odeurs, et par la beauté ou l’élégance d’un geste, il tentera d’exprimer la valeur qu’a la vie sur cette terre d’élection.

Pour ce travail superbe et rare il exhibe un foulard couleur sang et une casquette de palefrenier ; et c’est un des traits d’Antoine que le comique de sa tenue dépend de son émotion : plus elle est vive, plus il se déguise. Il a l’esprit ailleurs.

Au chauffeur il a dit : « Dépêchons ! » comme s’il était en retard et que tout le monde l’eût précédé. Dès qu’il est au Castelet, il s’impatiente :

— Qu’est-ce qu’ils f… ! Ont-ils tous crevé sur le chemin ?

Puis, il va de long en large :

— Dieu, que c’est beau !

La ferme du Castelet, au haut d’un rocher, domine un tournant de la route d’Arles à Font-