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ANTOINE DÉCHAÎNÉ

va !… Je m’en fous ! » Il ajoute même volontiers : « Et si ça ne va pas, je m’en fous encore ! » Puis, il grimace :

— Je n’ai pas le sou, moi ! Peux pas m’habiller comme Pétrone ou comme monsieur de Fouquières ! À mon âge, je me couche à une heure du matin et me lève à sept, pour gagner de quoi bouffer !

C’est la vérité. Il est tous les soirs au théâtre, en vue de son feuilleton du dimanche, où il n’a qu’un souci : mettre en lumière l’homme de talent ; et le matin, au saut du lit, il prend son porte-plume.

Cette destinée d’artiste est d’une variété cruelle et merveilleuse. Le hasard aidant, et le malheur aussi, qui toujours l’a chassé de partout, il a été curieusement, avidement, vers tout ce qui tentait son goût. Il crée le Théâtre Libre, trouve des auteurs, fait des acteurs. C’est le début d’une grande œuvre, qu’un instant les dettes vont compromettre. Mais le voici chez lui, au Théâtre