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ANTOINE DÉCHAÎNÉ

qu’il lui faut courir à l’hôtel en chercher un autre :

— Cette histoire-là, dit froidement Antoine, ne va pas continuer !

— Quelle histoire ? fait l’opérateur. Ce sont ces sales pavés…

— Non, monsieur !

— Pardon, monsieur Antoine…

— Je vous dis : « Non, monsieur ! » Je n’ai pas les yeux dans ma poche.

— Vous m’avez donné un ordre si brusque…

— Naturellement, monsieur ! Nous sommes ici pour saisir la vie : nous l’attrapons, quand elle passe. Vous, vous attendez régulièrement qu’elle soit passée. C’est ce que vous appelez le cinéma. Je ne le comprends pas comme vous, et vous êtes ici pour le comprendre comme moi.

— Monsieur Antoine…

— Il n’y a pas de monsieur Antoine ! Dans ce moment-ci, je me fous d’être Antoine ou pas Antoine ! Vous avez passé dix-huit mois dans les Alpes à attendre que le bon Dieu vous apparaisse