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ANTOINE DÉCHAÎNÉ

notre régisseur, un ami à moi, un ami de vingt ans !

Hochant la tête, battant des yeux, elle a lâché l’épaule du rouquin après qui Antoine hurle :

— Vous, je vous fais régler ce soir : je ne veux plus voir votre gueule !

Et elle s’appuie au bras généreux du Sociétaire. Antoine murmure :

— Ça va ! L’Opéra et la Comédie-Française : les deux bobards étayés l’un sur l’autre !

Voici la ruelle libre. Le Sociétaire a fait merveille : sa voix suppliante, son geste magistral ont convaincu les curieux : hommes, femmes, enfants, une chèvre, la cantatrice, tout le monde se tasse, à distance. Et elle, attendrie, minaude :

— Mon cher Sociétaire, regardez cette petite fille exquise, devant moi. Ce teint brûlé de bohémienne.

Sur l’enfant elle se penche :

— Es-tu d’ici, petite ? Les jolis yeux !… Et cette nuque !… Ces poignets !… Moi, c’est toujours les