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ANTOINE DÉCHAÎNÉ

scènes dans la lumière de cette place, où les promeneurs s’arrêtent, surpris par ce gros homme qui fonce sur ses acteurs, les prend, les mène, joue avant eux, crie quand ils jouent.

— N’avancez pas, monsieur ! (il court sur un passant) vous voyez bien qu’on tourne un film ! Madame, une seconde, suspendez votre promenade une seconde !

La jeune femme interpellée répond par un sourire ironique. Debout contre la fontaine, qui tient le milieu de la place, elle trempe ses doigts dans l’eau verte et trouble, dont on devine la fraîcheur en plein midi, car elle a la couleur du Rhône et doit venir comme lui des montagnes. Mais tout en baignant sa main, qui est jolie, elle suit des yeux la scène, et dès que tout est tourné, elle confie à Vivette :

— Votre coiffure n’est pas plus d’Arles que de Paris…

Antoine a entendu. Il se retourne, vengeur :

— Si, madame, elle est de Paris ! Elle est