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en nubie, etc.


turc vulgaire, la seule langue qu’il sût ; sa voix le trahit : autrement on aurait eu de la peine à le reconnaître, surtout à cause de son menton rasé. Le pacha fut enchanté de la plaisanterie, et, pour la récompenser dignement, il assigna au bouffon une somme très-considérable sur son trésor, en engageant le fou à l’aller toucher lui-même sous le costume de Franc. Le kakiabey fut stupéfait d’une pareille générosité envers un Européen, la somme assignée étant à peu près tout ce qu’il y avait dans le trésor ; mais, en questionnant le prétendu Franc, il revint de sa surprise. Pour prolonger sa folie, le bouffon se rendit sous le même costume dans son harem ; ses femmes le mirent à la porte, et tel fut le dégoût qu’inspira la vue de son menton rasé, que les autres bouffons ne voulurent manger avec leur camarade que lorsque la barbe lui fut revenue.

Au reste, le pacha parait être sensible à l’avantage qu’il y a pour lui d’encourager, dans son pays, les arts d’Europe, et déjà il recueille les fruits de cette politique. Il a introduit la fabrication de la poudre à canon et de l’indigo fin, la raffinerie de sucre et la manufacture de la soie, et il en profite ; il demande toujours quelque chose de nouveau, et saisit avidement tout ce qui frappe son imagination. Ayant entendu parler d’électricité, il avait fait venir