Page:Beltjens - Nox, 1881.djvu/34

Cette page a été validée par deux contributeurs.
– 34 –


Puisque le Désespoir de sa torche livide
Ne te montre aucun port, nocher battu du vent,
Est-ce que tu me crois la prêtresse du vide,
D’un abîme où plus rien ne serait de vivant ;

Où le silence affreux couvrirait de son ombre
L’étendue immobile et le temps aboli ;
Où le rayon, la force, et la forme, et le nombre
Seraient les naufragés de l’éternel oubli ? —

De mon temple muet, vois, j’écarte les voiles ;
D’un geste de ma main je t’ouvre l’infini ;
Regarde : as-tu des yeux ?… ces millions d’étoiles,
Ce chaste firmament d’aucune ombre terni,

Cet insondable azur où, sans fond ni rivage,
Océan de soleils, l’espace illimité
S’engouffre, où la pensée, avec un cri sauvage,
Recule de terreur devant l’éternité ;

Ces coupoles sans fin portent sur leurs pilastres
Des Babels d’univers l’un sur l’autre entassés ;
Ces zéniths, ces nadirs, effroi des Zoroastres
Qui tombent à genoux, criant : « Assez ! assez ! »