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Je vois pousser l’ortie où j’ai semé des roses ;
Mes lis ont disparu par la ronce engloutis ;
Dans mes ruches à miel, sous mes beaux lauriers-roses,
Aujourd’hui la vipère a niché ses petits.

L’auberge est en ruine où ma tête était sûre
De trouver un abri, ma soif de s’étancher,
Et la main n’est plus là qui sur chaque blessure
Savait trouver toujours un baume à m’épancher.

La tempête a détruit ma plus chaste retraite ;
De tout ce que j’aimais rien n’est resté debout ;
Un débris de mon cœur à chaque pas m’arrête,
Et j’ai peur d’avancer et d’aller jusqu’au bout !

Je cherche la maison, dans la brume indécise,
Où de l’hymen pour moi s’allumait le flambeau :
J’aperçois sur le seuil la Solitude assise
Qui me dit : « N’entre pas, car je garde un tombeau !

Un sépulcre plus noir que ceux du cimetière
Qu’enfin l’herbe recouvre et qu’efface le vent
Ici-gît ton passé, ton existence entière
Sous la forme d’un spectre, et le spectre est vivant !