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Chaque fleur s’étiole aussitôt que j’y touche ;
Tout rameau sur mon front sera bois mort demain ;
Tout miel devient poison au souffle de ma bouche,
Chaque coupe se brise au contact de ma main.

Ô Malheur, sombre archer qui fais de moi ta cible,
Tant de pleurs, tant de cris n’ont donc pu te lasser ?
Regarde ! je n’ai plus en moi d’endroit sensible
Où ton arc ait encore une flèche à placer !

Comme un cerf que poursuit une meute acharnée,
Et qui court tout saignant, de tous côtés mordu,
Je me hâte à travers ma sombre destinée,
Recherchant les chemins de mon bonheur perdu.

Vers ce qui reste, en vain, je tends mes bras avides ;
Mon bonheur, l’ennemi me l’a pris tout entier !
Tous mes fruits sont tombés et tous mes nids sont vides !
Plus rien que le bois mort craquant dans le sentier !

Rien que le bruit du vent dans les feuilles d’automne
Que j’arrose en marchant de mes pleurs superflus ;
Le torrent les emporte et sa voix monotone
Pleure, stérile écho des jours qui ne sont plus.