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Partout son œil de lynx me surveille et m’épie ;
Si j’ose seulement regarder mon voisin,
Cet écart passager, durement je l’expie
Sous le bâton fatal du terrible argousin !

En dévorant mes pleurs, dès que je me déplace,
L’amer bourreau me suit ; quand je me crois tout seul,
Je sens une atmosphère étrange qui m’enlace,
Et souffle sur mon front le vent froid d’un linceul !

L’araignée inconnue étend sur moi sa toile :
Espoirs, projets, travaux, rien ne me réussit ;
Que dans mon ciel sinistre apparaisse une étoile,
Une ombre monstrueuse à l’instant l’obscurcit.

Qu’une pensée en moi s’élève, audacieuse
À ce point de vouloir interroger le sort,
L’horrible filandière est là, silencieuse,
Qui la guette au passage et lui brise l’essor !

Je rencontre la guerre au lieu le plus paisible ;
Mes plus simples désirs sont d’avance maudits ;
Si je tourne la tête, une Parque invisible
Soudain coupe les fils des trames que j’ourdis !