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Regardez-les grandir, fiers et mélancoliques !
Est-ce un pressentiment, serait-ce un souvenir,
Cette flamme qui luit dans leurs yeux nostalgiques,
Ces regards anxieux vers l’obscur avenir ?

Sombres plantes avant leur époque accomplies,
L’hiver caduc en sait moins long que leur printemps ;
Ils font des questions d’amertume remplies
À faire frissonner des vieillards de cent ans.

D’où leur vient ce dégoût et cette lassitude
Qu’ils portent sur leurs traits avant d’avoir vécu ?
Avant d’avoir souffert, pourquoi cette attitude
De découragement qu’on voit chez le vaincu ?

Peut-être n’auraient-ils, pour laisser une empreinte
Attestant leur passage à la Postérité,
Qu’à vouloir, qu’à saisir de leur virile étreinte
Le marbre dur et froid de la réalité :

Car à vaincre l’obstacle ils ont la patience,
Le souffle, le bras fort et l’esprit indompté ;
Mais leur cœur du triomphe est dégoûté d’avance
Et devant l’action tombe leur volonté.