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Un âpre essor émeut les hommes et les choses ;
Vers un but inconnu tout va selon son goût,
Les aigles au soleil, les papillons aux roses,
Les Dons Juans au plaisir, les ruisseaux à l’égout.

La pâle courtisane à son miroir se farde ;
L’ivrogne ouvre ses yeux stupides, pleins d’ennuis ;
Le voleur inquiet, à la mine cafarde,
Aiguisant son poignard, fait son plan pour la nuit.

Et c’est votre heure aussi de voluptés intimes,
Usuriers ! Harpagon, voici l’heure où tu cours.
Blême, et serrant des doigts les pleurs de tes victimes,
À la Bourse effarée interroger le cours.

Sur l’autel du Veau d’or, bravant les flétrissures,
C’est là qu’un vil ramas d’Aruspices épais,
De la patrie en deuil escomptant les blessures,
Trafiquent de la guerre ou marchandent la paix.

Et les foules, bourgeois, artisans, prolétaires,
Gens affairés, flâneurs, maîtres, cochers, laquais, —
Flux et reflux, pareils au sang dans les artères, —
Pêle-mêle, couvrant les ponts, longeant les quais,

À travers le dédale entortillé des rues,
Ceux-ci riants, ceux-là mornes et soucieux,
Vont et viennent, — rumeurs incessamment accrues,
Innombrables et noirs sous la clarté des cieux !