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Tout au fond, la forêt de chênes et d’érables,
Aux durs contours tranchant sur la verdure et l’eau,
Avec ses troncs touffus au jour impénétrables,
Dessinée en eau-forte, achève le tableau.

Immobile et sans voix, comme après une orgie,
La nature s’endort, l’air stupide et brisé ;
Pareil au papillon autour de la bougie,
Le Zéphyr tombe et meurt dans l’éther embrasé.

Seul, au rebord des champs, l’aigre cri des cigales,
Sous la splendeur des cieux, que ne trouble aucun bruit,
Chœur strident, de son hymne aux strophes inégales
M’avertit que toujours le temps coule et s’enfuit.

Par moments dans les blés une brise paisible
Glisse avec un frisson lent et mystérieux ;
Tel, au milieu des nuits, de son aile invisible,
Un ange fait gémir la harpe des saints lieux.

Tout semble méditer. Nul souffle ne balance
Les grands bois recueillis, dans leur sérénité ;
Le ciel écoute, et l’hymne enflammé du silence
De sa langue ineffable emplit l’immensité.

Et formes et couleurs, vallon, coteau, chaumière,
Fondus devant mes yeux en splendide unité,
Tout l’horizon n’est plus qu’un gouffre de lumière
Où luit, comme un lac d’or stagnant, l’éternité.