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Fou de joie et d’horreur, c’est lui seul que tu vois !
Chaque souffle du vent à ta fièvre brûlante
En apporte de loin les parfums et les voix !

Tu voudrais les revoir ces régions lointaines ;
Tu dis au vent qui passe : accours et viens m’ouvrir !
Tu voudrais boire encore aux anciennes fontaines,
Il te faut retourner au pays ou mourir !

Si ton geôlier voulait ; à ton vol athlétique
Si de ton noir cachot les froids barreaux s’ouvraient,
En un jour ton élan franchirait l’Atlantique,
Au coucher du soleil les tiens te reverraient.

La destinée, hélas ! autrement en décide ;
Ce qui te reste à faire, infortuné géant,
C’est de te résigner et d’attendre, placide,
Que la mort te délivre et te jette au néant !

Aujourd’hui te voilà, les deux ailes brisées,
De ton stérile effort stupide, anéanti,
Pauvre grandeur déchue au milieu des risées
D’un peuple applaudissant le sort qui t’a menti.

Demain tu renaîtras de ta chute et, paisible,
Sur ce morne perchoir, pour y souffrir encor,
Tu reviendras, pareil au perroquet risible,
Empereur d’un théâtre où tu sers de décor !

Pour ton malheur du moins le poète a des larmes ;