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Et, couple titanique et souverain des airs,
Des sauvages pampas sondant les avenues,
De leurs monstres hideux nettoyer ces déserts ;

Des hauteurs du Pérou que le soleil calcine,
À midi, de l’espace aller fier conquérant,
Aux flots du Niagara rafraîchir ta poitrine
Et regagner ton gîte avant le jour mourant :

Essuyer sur les rocs de ces hautains parages
Ton grand bec satisfait de son royal festin,
Et t’endormir le soir au dessus des orages,
Bercé par l’aquilon, c’était là ton destin !

De ta force à présent, sous cette grille immonde,
La fierté se consume en impuissant chagrin,
Et ton vol qui sans peine eût fait le tour du monde
Un cercle de vingt pieds comme un étau l’étreint.

D’une riche pâture on a beau dans ta geôle
Régaler ton royal appétit ; vainement
Comme un enfant chéri le soleil te cajole :
Veuf de ta liberté, tu languis tristement.

Mais quand vient la saison où la suave haleine
Du jeune Avril s’épand dans l’azur attiédi,
Où la sérénité de l’atmosphère est pleine
Des magiques parfums qui montent du Midi ;

Qu’un navire parti de ces brillants rivages