Page:Beltjens - Le condor captif, Aurore, 1885.djvu/20

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Si l’on manque un passage, il le fait répéter ;
Plusieurs lui font la moue ; alors de s’irriter,
Fougueux, l’œil pétillant comme le vin qui mousse,
Il relève sa manche, il gronde, il se trémousse,
Tape des pieds, des mains, branle du corps entier,
Comme tout chef-d’orchestre expert en son métier.
Aussitôt du ravin la profondeur tressaille,
Une brusque secousse émeut chaque broussaille ;
La forêt tout entière aux souffles du matin,
Se met à bourdonner comme un orgue lointain.
Voici le chœur final. Dans l’azur qui s’effare,
Les coqs, joyeux clairons, entonnent leur fanfare.
Tout s’ébranle à la fois ; l’eau tournant les moulins
À ses vives chansons fait hennir les poulains ;
Les grands bœufs mugissants sortant des métairies,
Avec leur basse énorme emplissent les prairies,
Tandis que les bergers à la voix des troupeaux
Mêlent allègrement leurs agrestes pipeaux.
La nature au soleil, étonnée et ravie,
De ses robustes flancs sent déborder la vie ;
Une immense rumeur, tumulte harmonieux
De murmures confus, d’appels, de cris-joyeux,
Comme le chant lointain des vagues sur la plage,
Roule à flots éperdus de village en village ;
Et les coteaux boisés, les vallons aux prés verts.
Le fleuve, les ruisseaux, d’un brouillard d’or couverts.
Chantant tous à la fois la terre au ciel unie,
Élèvent leur paisible et vaste symphonie.
Par moments on croirait au fond du bois sacré
Voir passer, grave, auguste et le front entouré