Page:Beltjens - Le condor captif, Aurore, 1885.djvu/17

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Veut que de ses talents chaque belle s’étonne.
Et d’un maigre fausset ou criaille ou détonne ;
Si tel autre, jaloux, le voulant corriger,
Dans le bel art du chant ne fait que patauger,
Si messieurs les canards et mesdames les canes,
Du lac, séjour du cygne, envahisseurs profanes,
Barbotant dans la vase, ou fiers de leurs plongeons,
De leurs cris nasillards épouvantent les joncs ;
Si le dindon bouffi, dont le gosier s’enroue,
Chicane l’aigre accent du paon qui fait la roue.
Et si le geai glapit : Vous manquez de brio
Tous deux ! si dans un coin, à ce charmant trio
On entend riposter le coq d’Inde imbécile :
La critique est aisée et l’art est difficile !
Si ma commère l’oie est prise tout-à-coup
D’un frisson historique, et, dressant son long cou,
Se met à trompeter de sa voix la plus folle :
Mon aïeule autrefois sauva le Capitole !
Si maître Aliboron fermant l’œil, et, vainqueur,
Montrant à tous qu’il sait sa romance par cœur,
Fait entre deux chardons qu’à son aise il savoure,
D’un hi-han trop pompeux retentir la bravoure,
Le merle, adroit siffleur, à leurs couplets ratés
Mêle son gai refrain disant : Vous m’embêtez !
Et l’écho dans sa grotte, où tout ce bruit l’éveille,
En éclatant de rire, y répond : À merveille !

Pourtant si le combat, s’animant un peu trop,
Sort des bornes de l’art, l’illustre maestro,
Élevant son bâton, — je veux dire sa flûte,