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Près la gent emplumée alerte messagère,
Parcourt les bois, les champs, les vergers, les hameaux,
Sans pitié des donneurs, cogne à tous les rameaux,
Et souffle à tous les coins, dans la langue des brises :
« Grand concert matinal à six heures précises !
Avis aux musiciens : par ordre exprès du roi. » —
On s’éveille, on s’habille, avec ce désarroi
Dont on est coutumier les jours de grande fête ;
La toilette en ces cas n’est jamais trop bien faite,
Car le bonheur voulant qu’on ait un air bissé,
À bon chanteur convient plumage bien lissé.
Donc à l’étang voisin on se mire au passage,
Et pour gagner du temps, on déjeune en voyage.
De la sorte on s’assemble, on arrive en causant,
Et, lorsque vient l’appel, on peut dire : présent !

C’est la veille de Mai. — Maître Avril, gentilhomme
S’il en fut, en dépit de plus d’un astronome,
Veut fêter dignement le jour de ses adieux.
Pour se désennuyer dans les jours pluvieux,
Et combattre le spleen, dont la bise cruelle
Souvent des gens d’esprit taquine la cervelle,
Cet hiver, dans sa grotte, il composa sous main
Une grande cantate, un morceau surhumain,
Où la romance alterne avec des barcarolles ;
Le poète Ariel en rima les paroles ;
C’est vous dire que texte et musique, sortie
Des mains de gens pareils et si bien assortis,
Feront une œuvre d’art en tous points sérieuse.
Plus d’un corbeau, le soir, en cause avec l’yeuse.