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Langue où le verbe cesse, où commence le cri
Du gouffre que nul mot n’articule et n’écrit ;
Rendez-vous merveilleux où convergent dans l’ombre
L’espace avec le temps, la forme avec le nombre,
Et traduits en accords de leur mélange issus,
Se pénétrant l’un l’autre en magiques tissus,
Comme les flots couvrant les sables de la grève,
Laissent apercevoir le réel sous le rêve !
Fleuve au large murmure, où cent peuples divers
Viennent se retrouver des bouts de l’univers,
Et que chaque homme ému jusqu’au fond de son être,
Aussitôt qu’il l’entend, comprend sans le connaître !
— Par quel rapport étrange et quel chemin subtil,
Par quelle loi secrète, un tel accord fait-il,
Éveillant mille échos dans nos fibres intimes,
Chanter et résonner la joie aux cris sublimes,
Et tel autre en sanglots éclater la douleur ?
Et d’où vient que le son, comme aux yeux la couleur,
En détours inconnus arrivant par l’oreille,
Sait parler à l’esprit une langue pareille ?
Si bien que nous voyons, lorsqu’en flots écumants
L’orchestre ouvre l’écluse à tous ses instruments,
Apparaître tantôt des figures rieuses,
Tantôt des visions graves et sérieuses !
— Dans le scherzo badin le plaisir fugitif
Secouant ses grelots, et, d’un rythme furtif,
Amenant après lui la folie et sa danse,
Et les masques joyeux sautillant en cadence ;