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MA FEMME

Non. La mère de Paule était trop bonne femme, trop naturelle pour avoir donné ces conseils ; elle avait dû prendre le mariage à la lettre et en avoir rempli, sans débats et sans raisonnements, les devoirs et les charges. C’était Mme de Blangy seule, qui, voulant faire profiter Paule de son expérience de femme mariée, pouvait lui avoir tracé une règle de conduite.

Eh bien ! mon cher ami, le croiriez-vous, je ne m’irritais pas alors de cette influence exercée sur ma femme ; mon estime pour la comtesse, estime partagée par le monde, me mettait à l’abri de toute crainte, et cette naïveté que vous me connaissez ne me permettait pas d’admettre qu’une femme bien élevée, intelligente comme l’était Mme de Blangy, pût avoir intérêt à ternir par de pernicieux conseils la pureté d’une jeune fille.

Puis, l’avouerai-je, cette science de la vie que j’avais découverte chez Paule, ces résistances qu’elle opposait à mes désirs, loin de m’effrayer, avaient pour moi quelque attrait. La grande innocence, vous le savez, n’a de charme, en général, que pour les corrompus ou les vieillards. Les gens qui, comme moi, n’ont pas encore vécu, se laissent plutôt séduire par certains manèges d’une coquetterie habile ; ils ne s’effrayent pas de recon-