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MADEMOISELLE GIRAUD

— Je pensais, me répondit-elle sans s’émouvoir de ma brusque question, que vous vous retiriez dans la pièce où nous sommes. Seulement, je la croyais plus intelligemment meublée.

Cette phrase me déplut, et je répliquai assez vivement :

— Votre projet est donc de continuer à vous enfermer tous les soirs ?

— Oh ! me dit-elle, d’une voix très-douce, et en reprenant mon bras pour rentrer au salon, au lieu de m’interroger sur mes projets, il serait peut-être plus aimable de les deviner.

Cette dernière phrase justifiait mes suppositions du matin, Je n’avais pas affaire à une ingénue, à une pensionnaire, mais à une jeune fille merveilleusement expérimentée.

Où avait-elle acquis cette expérience, cette science de la vie, cette coquetterie qui consistait à laisser mes désirs en suspens ? Était-ce sa mère qui lui avait dit : « Si tu veux te faire longtemps aimer, sache te faire attendre. Ce qui d’ordinaire tue l’amour dans le mariage, c’est la facilité des relations ; en vue de son bonheur, il est permis à une femme mariée de se conduire dans son ménage comme une maîtresse intelligente. »