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MADEMOISELLE GIRAUD

étaient déjà aussi profondément gravés dans mon esprit qu’ils le sont aujourd’hui. Sa voix vibrante et mâle résonnait à mes oreilles encore charmées. Je voyais ses grands yeux tour à tour hardis et langoureusement voilés. Je me répétai ses moindres paroles.

Son animation en parlant de Mme de Blangy, le plaisir qui avait éclaté dans son regard dès que la comtesse était apparue, m’avaient surtout frappé. Une jeune fille qui comprenait si bien l’amitié devait, selon moi, comprendre à ravir l’amour. Il devait y avoir dans son cœur des trésors de tendresse, des ardeurs encore contenues, mais toutes prêtes à s’épandre.

Ce que j’avais pu deviner de son caractère difficile, loin de me donner à réfléchir, me réjouissait aussi. En effet, toutes les jeunes filles que m’avait autrefois présentées Mme de F… étaient, suivant elle, des modèles de toutes les vertus, de véritables anges fourvoyés dans la vie. En contact perpétuel avec toutes ces perfections, j’en étais arrivé à demander à cor et à cri quelque bon défaut physique ou moral, voire même quelque petit vice agréable ; cela m’aurait changé, mais on n’avait jamais voulu m’en fournir, Mme de F… s’entêtait à porter aux nues ses protégées et à leur mettre des ailes dans