Page:Belot - Mademoiselle Giraud, ma femme (47e éd.).djvu/178

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
173
MA FEMME

s’engagea, entre nous, dès notre second entretien, tandis qu’après le dîner nous fumions un cigare devant la porte de l’hôtel, le long des Ponchettes.

— De tous les peuples que j’ai eu le loisir d’étudier, me disait mon compagnon, le Français a certainement les mœurs les plus dissolues.

Comme je me récriais :

— Je vous jure, continua-t-il, que chez nous seulement on se laisse entraîner à certains écarts d’imagination et à certaines aberrations. En Allemagne, par exemple, nos raffinements de corruption sont presque inconnus.

— Je conviens avec vous, repris-je, qu’en France, chez le peuple, chez le paysan, les mœurs laissent à désirer, mais dans la société, dans la bourgeoisie…

— Voilà votre erreur, fit-il en m’interrompant. L’habit noir et la robe de soie, ont, en quelque sorte, chez nous, le privilège de la dépravation et cela s’explique : Ce ne sont pas les sens qui se trouvent en question ici, c’est seulement l’imagination. Le luxe, l’oisiveté, la rêverie, la surexcitent et l’entraînent vers toute espèce d’écarts. Le paysan, l’ouvrier n’ont pas le temps de rêver, en auraient-ils le temps que leur esprit ne s’y prê-

10.