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MADEMOISELLE GIRAUD

de tels ravages, que chacun étant devenu vicieux ou lépreux ne s’est plus aperçu du vice ou de la lèpre de son voisin.

Mais s’il appartient au narrateur ou à l’écrivain de signaler et de stigmatiser certaines corruptions, il doit le faire d’un mot ou d’un trait de plume. Il lui est interdit de se complaire dans de longues descriptions et des peintures trop animées. Voilà, mon cher ami, pourquoi, tout à l’heure, je vous ai dit si prétentieusement que je ne me mettrais plus en frais de style.

Vous n'avez probablement rien compris à cette violente sortie : il est vrai qu’elle était un peu prématurée.

Je reprends mon récit où je l’ai laissé.

En arrivant à Nice, plein d’enthousiasme et d’espérance, j’écrivis à Paule une lettre des plus touchantes ; une de ces lettres si passionnées qu’elles doivent communiquer le feu à tout ce qui les environne, et qu’on est tenté de se demander s’il n’est pas dangereux pour la sûreté publique de les envoyer par la poste.

Au bout de trois jours, je reçus une réponse. Elle m’avait écrit courrier par courrier ; c’était de bon augure.

Je m’enfermai dans ma chambre et je lus avec recueillement : elle ne répondait pas à un mot de ce que je lui