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maintenãt ambassadeur en Angleterre esteu d’Aquilee, qui a entretenu a ses gaiges l’espace de huict ans un tres expert peintre nõme messer Plinio, le faisant seulement besongner la plus part du temps aus peinctures de toutes especes de poissons, retirant tant ceuls de la mer Adriatique, que de la Mediterranee, & des fleuves & lacs de toute Italie : & lequel il a si bien faict besongner, qu’il ha le portraict contrefaict au naturel des vives images non seulement de ceuls qui ont estés apportez au marché ou es poissõneries de Venise : mais aussi des autres qui luy ont estés singulierement envoiez des ports & plages d’Esclavonie : lesquelles peinctures sont beaucoup plus de trois cẽts de cõpte faict, & desquelles par sa bonte le dit messer Daniel Barbarus, m’a octroié faire retirer au pinceau celles que i’ay voulu choisir : mais en toutes, il n’y avoit point de peincture de Daulphin. Voila donc comme ie prouve par demonstration qu’on ne pesche point des Daulphins en la mer Adriatique. Car si lon y en peschoit, il est aussi a croire que monsieur Daniel Barbarus, en eust eu le portraict en ses peinctures. Ceuls de Naples m’ont asseuré le semblable de leur ville, & aussi de Missine, & de Genes, comme aussi ceuls de toutes les autres grosses villes qui sont situees au rivage sur les ports des mers du contour d’Italie : comme aussi les autres qui sõt en terre ferme, & mesmement a Romme. Car un tres cavãt medecin nõmé maistre Gilbert, Flament & homme curieus de recouvrer les peinctures des animauls, m’a asseuré que en tout le temps & espace de dix ans, il ne veit onc apporter q’un seul Daulphin a la poissonnerie : lequel encor ne fut pas mangé : car il ne se trouva personne qui envoulut acheter, sinõ quelque peu d’estrãgers : & qu’il en acheta, pour avoir la greffe, & les ossements de la teste, qu’il garde en son cabinet. Nous avons encore plusieurs autres beauls exemples qui sont de ce temps ci. Car les habitants de la ville de Rimini en Italie, au rivage de la mer Adriatique, trouverent un Daulphin n’a pas long temps, qui estoit demouré a sec sans eaue dessus le sablon, a un quart de lieue de leur ville, lequel ils firent charger dedens un chariot tout en vie, & l’amenerent a Rimini, ou il vesquit trois iours. Et s’il est vray ce qu’ils m’en ont dict, ceuls qui l’amenerent gaignerent une grande somme d’argent a le mõstrer. Car chascũ qui le vouloit veoir, bailloit quelque piece