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vie, elle en voulut donner une part à son serviteur vénéré, Un envoyé de l’Amiral, le fidèle Diego Mendez, fut reçu par elle. De son lit de douleurs elle entendit, elle accueillit avec ferveur, non la défense, mais l’apologie de Colomb ; elle apprit ce que les Fonseca, les Bobadilla, les Ovando avaient fait de ses colonies ; elle donna des larmes à l’horrible fin de la noble et touchante Anacoana ; elle se promit de la venger si Dieu lui en laissait le temps, et jura que le meurtrier aurait d’elle « une place qui n’aurait jamais été occupée ».

Ces dispositions de la reine furent pour l’Amiral la dernière consolation qu’il devait recevoir en ce monde. Sa santé ne lui permit de s’en prévaloir directement auprès du roi que quand sa noble amie ne pouvait déjà plus intercéder pour lui que dans le ciel.

Isabelle expira le 26 novembre 1504, et à dater du jour de cette irréparable perte, Colomb n’obtint plus de Ferdinand que des promesses dilatoires, de stériles marques d’estime, des égards insultants en ce qu’ils semblaient accordés seulement à l’Age, à la faiblesse.

Colomb, cependant, n’avait jamais été plus jeune d’esprit ni plus actif, sinon plus valide de corps. Mais les privations, le froid, le dénûment et surtout la continuité des déceptions et des outrages qu’on lui infligeait systématiquement, hâtèrent la fin d’une vie que la Providence ne jugeait plus utile à ses desseins.

Ce fut dans une pauvre auberge de Séville, le 20 mai 1506, que se sentant rappelé par son Maître, Colomb demanda de lui-même les derniers sacrements, qu’il voulut recevoir, comme l’avait fait Isabelle, sous l’habit du tiers ordre de Saint-François.