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où nous vivons, Colomb, personnellement, l’avait dans une telle horreur, que jamais il ne posséda un seul esclave. En revanche, aurait-il pu dire, tel de ses plus ardents accusateurs en exploitait plus de deux cents.

Enfin, si le don prophétique ne lui eût pas fait défaut en cette occasion, cet homme, qui seul jusqu’à cette heure avait su se faire aimer des indigènes aurait pu clore le débat en prédisant que toutes ses mesures d’administration et de police coloniale, si fort blâmées en 1500, seraient en 1510 le code même des colonies, avec accroissement de rigueur ; et qu’au xixe siècle les nations les plus civilisées de l’Europe, les plus hostiles à l’esclavage, auraient presque achevé d’exterminer les indigènes du nouveau monde — sans parler de l’Océanie.

Le tout, hélas ! en vertu de cette loi, dure sans doute, mais évidemment providentielle : assimilation ou la mort.

Mais, grâce au ciel, Colomb n’avait pas à se mettre en peine de justifier sa conduite ; encore une fois il allait n’avoir à défendre que ses ennemis ; et il ne s’en fit pas défaut, car la plupart ne durent qu’à ses charitables instances, l’accomplissement des engagements pris avec eux.

Autant, du reste, son second départ de Cadix avait passé inaperçu, autant fut profonde et universelle l’émotion que souleva sa rentrée dans ce même port, en un si indigne appareil. Les chaînes qu’il portait ne résonnèrent pas en vain sur les dalles du vieux môle ; l’écho s’en répandit d’âme en âme jusqu’à la cour, où il réveilla la conscience d’Isabelle, Pour des motifs moins délicats sans doute, et plus personnels, Ferdinand ne se montra pas moins