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femme, dit-on, ne voit avec indifférence, même en des contrées moins sauvages que ne l’était encore le Xaragua.

Anacoana fut vivement flattée de cet hommage. Cette femme extraordinaire, qui avait su comprendre le génie de Christophe Colomb, mais qu’avait éloignée de lui pour longtemps la prise de Caonabo, n’avait pas les mêmes raisons pour tenir rigueur à Barthélemy. L’intérêt même de sa nation, périodiquement décimée par les Caraïbes, lui conseillait de ressaisir, par l’Adelantado, quelque chose de sa première influence sur l’Amiral. En se retirant, comme elle l’avait fait, chez son frère le cacique Behechio, elle avait obéi à des convenances senties et observées même chez des peuples enfants, mais on peut croire qu’elle s’était aisément consolée de la perte d’un homme qu’elle n’avait jamais pu rallier à sa politique ni dépouiller des instincts féroces du Caraïbe.

Plus tard, la haute intelligence dont elle était douée lui avait fait pressentir, à travers les divisions des Européens, le triomphe définitif de l’autorité légitime, et, quant aux faibles encouragements qu’elle avait donnés aux rebelles, ce n’avait été de sa part qu’une sorte de premier avertissement à l’adresse de Barthélemy, dont elle se voyait négligée.

Une politique non moins féminine, je veux dire non moins adroite, la fit d’abord rester passive, lorsque le cacique son frère, prenant autrement qu’elle la visite militaire des Espagnols, eut levé quarante mille guerriers qu’il expédia à la rencontre de Barthélemy.

Bientôt, cependant, satisfaite d’une démonstration qui rendait à

celui-ci politesse pour politesse, elle décida son frère à rappeler