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point capital à leurs yeux comme à ceux du roi, croyaient l’Amiral peu en mesure de répondre d’une façon satisfaisante.

Colomb, en effet, ne répondit pas, du moins verbalement ; il fit avancer l’Indien porteur de la lourde chaîne d’or qui, de Séville à Burgos avait eu si peu de succès dans les campagnes.

Ce fut un vrai coup de théâtre, et, à l’effet qu’il produisit sur le prince et toute sa cour, on put voir une fois de plus combien, sur certaines matières les grands ont le sens mieux avisé que le menu peuple.

L’Amiral ne s’en tint pas là : tandis que la reine et ses dames examinaient à sa prière des oiseaux rares, de belles gemmes dans leur gangue, des morceaux d’ambre, des coquilles d’huîtres perlières, il mettait sous les yeux du roi d’énormes échantillons de la mine d’or si à propos découverte par lui sur la côte méridionale de Saint-Domingue.

À cette vue, et surtout au regard sévère que le monarque jeta sur les ennemis de Colomb, les Fonseca, les Margarit et leur coterie comprirent que leur triomphe était pour le moins ajourné.

Colomb n’usa du sien qu’avec la plus charmante modestie ; il ne chercha pas à s’en prévaloir pour reconquérir une popularité dont l’inconstance lui avait fait sentir le peu de prix. Fier et plus touché encore des marques d’estime que lui donnait la reine et des audiences privées où elle daignait l’appeler avec la fidèle duchesse de Moya, et cette illustre Juana de la Torre, nourrice de l’infant, dont il s’était fait une amie intime, il se consolait dans un si auguste commerce des délais apportés à une nouvelle expédition, gage de la reconnaissance officielle de ses droits.