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fertile, ni moins bien cultivée, ni moins abandonnée de ses habitants. Un détachement de vingt-cinq hommes conduit par Colomb venait, après l’avoir explorée, d’y recueillir quelques captifs, lorsqu’il rencontra en mer une pirogue avec quatre Indiens mâles et deux femmes, dont une, portant les attributs des caciques, avait près d’elle son fils adolescent.

Profitant de la stupéfaction qui semblait les avoir changés tous en statues, Colomb fit gouverner de façon à leur couper la retraite. Les statues alors s’animèrent, et, sans égard au nombre de ces étrangers, ni à la foudre qui partait de leurs mains, hommes, femmes, enfants, commencèrent à ajuster froidement les Espagnols et à les percer de flèches empoisonnées.

En un clin d’œil, le détachement comptait déjà plusieurs blessés et deux hommes tués de la main même de la reine, lorsqu’une manœuvre hardie lança le canot sur la pirogue, et la fit chavirer. Mais les Indiens, moitié plongeant, moitié nageant n’en continuèrent pas moins à cribler de flèches le groupe compact de leurs ennemis.

L’issue de ce combat est rapportée diversement ; mais on convient que l’adolescent, percé d’outre en outre d’un coup de pique, ne tarda pas d’expirer, malgré les soins qui lui furent donnés à bord, « ne montrant pas moins de fermeté — au dire d’un témoin oculaire — que si c’eût été un lion de Libye ».

Quant à son héroïque mère et aux quatre guerriers qui avaient combattu près d’elle, s’il faut en croire le même chroniqueur, « ils étaient tels que nuls ne les eût pu bonnement regarder, sans que d’horreur le cœur et les entrailles ne lui eussent tressailli, tant leur regard était hideux, terrible et infernal. »