Page:Belloy - Christophe Colomb et la decouverte du Nouveau Monde, 1889.djvu/18

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

non sans regret, retrancher de la vie de Colomb, telle que Nolo me l’avait faite aux longues veillées du gaillard d’avant.

Au reste, un tel effort ne devait pas m’être longtemps pénible : de même que nôtre héros, parti à la recherche de terres imaginaires, en découvrit de réelles sans perdre au change, de même le Colomb que je rencontrai dans l’histoire, ne me laissa rien envier à celui que m’avait montré la légende. Bien loin de s’évanouir au jour de la science, l’héroïque figure qui m’était apparue près des dunes rouges de Palos, n’avait rien perdu de sa noble physionomie ni de ses colossales dimensions. C’est que pas un des contes de Nolo n’était en contradiction avec le caractère de son héros.

Mais l’étude de son caractère n’est pas aujourd’hui notre seul objet ; nous avons aussi à causer de la découverte de l’Amérique ; eh bien, sur ce point même, la légende du marin breton si fabuleuse qu’elle fût dans sa lettre, n’a presque rien dans son esprit que ne confirme l’esprit positif de notre âge.

Il appartenait à ce dernier d’établir que la plupart des grands événements historiques, si justement fameux qu’ils aient rendu certains noms d’hommes, ont toujours été plus ou moins l’œuvre du temps où ils se sont produits. Ce principe ne détruit pas la responsabilité des acteurs principaux de ces révolutions, dont plus d’une a changé la face du monde, il l’atténue seulement dans une mesure que l’histoire, mieux informée de nos jours qu’autrefois, a pour mission de déterminer.

Beaucoup de personnages historiques perdent sans doute de leur prestige à être envisagés à ce nouveau point de vue ; d’autres, et ce ne sont pas toujours les meilleurs, y ont trouvé quelque avantage ; mais nul n’y a gagné autant que Christophe Colomb.

C’est qu’en effet la découverte du nouveau monde, si elle n’échappe pas entièrement aux conditions qui viennent d’être signalées, est peut-