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grand amiral, vice-roi et gouverneur général, et lui prêtèrent serment d’obéissance, en le priant d’oublier leurs torts envers lui.

À ce moment, revenus de la frayeur qu’avait dû leur causer un spectacle si étrange pour eux, quelques naturels s’approchèrent ; l’accueil qu’ils reçurent en attira d’autres ; bientôt la confiance et la joie furent mutuelles, les échanges, les repas en commun, les essais de conversations, les jeux, les danses, les visites à bord commencèrent pour ne se terminer qu’à la nuit. Ainsi finit dans une joie commune ce jour que devaient suivre de si près, pour les habitants du nouveau monde, tant d’années de misère et d’oppression.

Néfaste aux veux de ceux qui, s’attachant trop au présent, n’ont vu dans la découverte de l’Amérique qu’une ère fatale aux deux mondes, heureux pour qui, les regards fixés sur l’avenir, y voit un grand fait ramenant l’humanité à son unité primitive, ce jour, qu’on nous pardonne ce vulgaire détail, a donné des armes égales à la superstition et à la raison.

Pour l’une il a confirmé, pour l’autre il a aidé à combattre le mauvais renom du vendredi. C’était en effet un vendredi que Colomb avait appareillé de Palos, et ce fut de même un vendredi qu’aux premières pâleurs de l’aube, il vit se dérouler pli à pli cette île couleur d’espérance, qu’il salua du nom du Sauveur.

Qui le croirait ? Cette avant-garde du nouveau monde, cette première terre américaine où la civilisation déposa la première semence de ses fruits encore aujourd’hui si amers, à peine l’eut-on découverte, qu’elle fut négligée, oubliée, perdue. Déjà elle était inexactement désignée sur la première carte qui ait été faite du