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depuis le départ des Canaries. Les terreurs avaient même fait place à une confiance excessive, en ce sens qu’on s’exagérait maintenant la proximité et le facile accès de ces terres réputées d’abord si lointaines et inabordables.

Dès le 14 septembre, au lendemain de l’épisode des variations de la boussole, l’atmosphère était si tiède, si embaumée, les matinées surtout si riantes, si radieuses, que Colomb les compare à celles de l’Andalousie ; il n’y manque, dit-il, que le chant des rossignols. Les nuits ne sont pas moins délicieuses : aux clartés des étoiles s’ajoutent de brillants météores, un entre autres dont le volume, avec l’éclat et l’étendue inusitée de son sillage, effraye d’abord quelques matelots ; mais l’Amiral y voit un merveilleux rameau de feu, une palme céleste, présage d’un prochain triomphe.

De nombreux indices semblent confirmer cette explication poétique ; tantôt ce sont les marins de la Niña qui ont vu passer une hirondelle de mer et un paille-en-queue ; or on croyait savoir que de tels oiseaux ne s’éloignent jamais de terre, à plus de vingt-cinq lieues au large.

Tantôt des oiseaux de même espèce sont aperçus se dirigeant à l’ouest, et Martin Alonzo Pinzon lance sur leurs traces sa bonne voilière la Pinta, croyant voir bientôt cette terre dont il est encore si éloigné.

Plus on avance, et plus les signes révélateurs se multiplient : des passereaux chanteurs viennent se percher sur les vergues et dans les agrès de ces mâts qu’ils prennent pour des arbres flottants. Leur gazouillement n’attendrit pas le seul Colomb : autour de lui les cœurs s’ouvrent aux plus riantes espérances.