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Aux terreurs superstitieuses promptement évanouies devant la souriante apparence des faits, avaient succédé d’autres inquiétudes, que ne désavouaient pas ces faits mêmes, interprétés par la science imparfaite du temps.

Si des membres éclairés de l’expédition, tels que Garcia Hernandez, les frères Pinzon, ou Juan de la Cosa, ne croyaient guère aux difficultés d’un retour, soi-disant entravé par la convexité du globe ; s’ils ne pensaient pas, avec quelques matelots et beaucoup de théologiens, qu’arrivés à un certain point de ce globe, ils se verraient emportés dans la lune, par le déplacement de leur centre de gravité, du moins n’étaient-ils pas sans appréhension devant « cette protubérance s’élevant en forme de poire au nord-ouest de la mer Océane, et au sommet de laquelle était le Paradis terrestre ». |

En outre de cette crainte, basée sur une opinion que professait Colomb lui-même, n’y avait-il pas ces vents d’est, dont la constance, évidemment propre à ces longitudes, empécherait de les traverser au retour ?

Tout, d’ailleurs, n’était pas à rejeter, dans les mauvais bruits qui couraient sur l’hémisphère opposé au nôtre ; à commencer par cette sorte de mer herbeuse, vaguement décrite par les anciens, et dont les bancs d’herbes marines qu’on avait déjà côtoyés pouvaient n’être que de légers avant-coureurs.

Enfin, la boussole même, ce guide merveilleux récemment découvert, à la vérité, mais jusqu’à ce jour réputé infaillible, la boussole n’avait-elle pas varié ? Comment s’y fier désormais, en ces contrées rebelles aux lois de la nature ?