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JOURNAL DE L'ORDRE.

minions à gagner le ciel en suivant le vieux chemin de la béatitude, duquel ils s’écartent poliment, afin, sans doute, de ne pas nous barrer le passage.

Pourquoi tous ces continuateurs de l’hypocrisie antique ne se sentent-ils plus en équilibre sur les tréteaux échafaudés par leurs devanciers ? Pourquoi ? Parce que l’abnégation s’en va et que l’individualisme pousse ; parce que l’homme se trouve assez beau pour oser jeter le masque et se montrer enfin tel qu’il est.

L’abnégation, c’est l’esclavage, l’avilissement, l’abjection c’est le roi, c’est le gouvernement, c’est la tyrannie, c’est la lutte, c’est la guerre civile.

L’individualisme, au contraire, c’est l’affranchissement, la grandeur, la noblesse ; c’est l’homme, c’est le peuple, c’est la liberté, c’est la fraternité, c’est l’ordre.


CHAPITRE IV.

QUE LE CONTRAT SOCIAL EST UNE MONSTRUOSITÉ.


Que chacun dans la société s’affirme personnellement et n’affirme que lui, et la souveraineté individuelle est fondée, le gouvernement n’a plus de place, toute suprématie est détruite, l’homme est l’égal de l’homme.

Cela fait, que reste-t-il ? Il reste ce que tous les gouvernements ont vainement tenté de détruire ; il reste la base essentielle et impérissable de la nationalité ; il reste la commune que tous les pouvoirs perturbent et désorganisent pour en faire leur chose ; il reste la municipalité, organisation fondamentale, existence primordiale qui résiste à toutes les désorganisations et à toutes les destructions. La commune a son administration, son jury, ses judicatures ; elle les improviserait si elle ne les avait pas. La France, étant donc municipalement organisée par elle-même, est démocratiquement organisée de soi. Il n’y a, quant à l’organisme intérieur, rien à faire, tout est fait ; l’individu est libre et souverain dans la commune ; la commune, individu complexe, est libre et souveraine dans la nation.

Maintenant, la nation, ou les communes, doivent-elles avoir un organe synthétique et central pour réglementer certains intérêts communs, matériels et déterminés, et pour servir d’interlocuteur entre la communauté et l’étranger ? Cela n’est une question pour personne ; et je ne vois pas qu’il y ait fort à s’inquiéter de ce que tout le monde admet comme rationnel et nécessaire. Ce qui est en question, c’est le gouvernement ; mais un arbitrage et une chancellerie, dus à l’initiative des communes, restées maîtresses d’elles-mêmes, peuvent constituer, si l’on veut, une commission administrative, mais non pas un gouvernement.

Savez-vous ce qui fait qu’un maire est aggressif dans la commune ? C’est le préfet. Supprimez le préfet, et le maire ne s’appuie plus que sur les individus qui l’ont nommé ; la liberté de chacun est garantie.

Une institution qui dépend de la commune n’est pas un gouvernement ; un gouvernement, c’est une institution, à laquelle la commune obéit. On ne peut pas appeler un gouvernement ce sur quoi pèse l’influence individuelle ; on appelle un gouvernement ce qui écrase les individus sous le poids de son influence.

Ce qui est en question, en un mot, ce n’est pas l’acte civil, dont j’exposerai prochainement la nature et le caractère, c’est le contrat social.

Il n’y a pas, il ne peut pas y avoir de contrat social, d’abord parce que