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PETITES INVENTIONS.


L’autre eſclave d’Amour deſirant l’auantage
Qu’on eſpere en tirer, n’embraſſant que le vent,
Loyer de ſes travaux, eſt payé bien ſouuent
D’vn refus, d’vn dédain, & d’vn mauuais viſage.

L’vn plein d’ambition deſireux de pareſtre,
Favorit de ſon Roy, recherchant ſon bon-heur,
Auançant ſa fortune, auance ſon malheur,
Pour auoir trop ſondé le ſecret de ſon maiſtre.

Deſirer eſt vn mal, qui vain nous enſorcelle :
C’eſt heur que de iouïr, & non pas d’eſperer :
Embraſſer l’incertain, & touſiours deſirer
Eſt vne paſſion qui nous met en ceruelle.

Bref le deſir n’eſt rien qu’ombre & que pur menſonge
Qui trauaille nos ſens d’vn charme ambitieux,
Nous déguiſant le faux pour le vray, qui nos yeux
Va trompant tout ainſi que l’image d’vn ſonge.




D’VN BOVQVET ENVOYÉ
LE MERCREDY DES CENDRES.


Ce Bouquet de menu fleurage
Vous ſeruira de teſmoignage
Que nos beaux iours coulent ſoudain
Comme la feur, & qu’il faut prendre
Le plaiſir ſans le ſurattendre
Ny le remettre au lendemain.
Sans attendre que la vieilleſſe
D’vne froide & morne pareſſe
Rende nos membres froids & gours,
Paſſant en douceurs amoureuſes
Et mignardiſes gracieuſes
Ce qui reſte de nos beaux iours.