Page:Bellaud-Dessalles - Impressions d'Allemagne, 1898.pdf/63

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 59 —

vie j’ai déjà éprouvé quelque chose de semblable : par une froide et pure nuit d’hiver, en montant dans la gondole qui, à mon arrivée, à Venise m’attendait sur le grand canal ; et, bien des années plus tard, par une matinée du printemps de Rome, lorsque je soulevai le lourd rideau de cuir derrière lequel allait m’apparaître pour la première fois l’intérieur de St-Pierre.

Dans ces moments, l’attente est si délicieuse que l’on est toujours tenté de la prolonger, surtout lorsqu’elle est mélangée de cette crainte inhérente à la pauvre faiblesse humaine qui croit voir l’idéal se briser dès que nous le touchons de la main.

« Ah ! Mieux vaut repartir aussitôt qu’on arrive
« Que de te voir faner, nouveauté de la rive ! »

Mais l’art a tenu ses promesses. Ici nous avons passé des heures de recueillement et de joie profonde. Par la pensée nous les revivrons souvent car elles sont de celles qui consolent ; heures bénies, vécues en communication avec le « beau » dont le Poussin a si bien dit qu’« il est la délactation ».