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À côté de l’ancienne Constance, il y en a une autre, toute jeune, celle-là, sortie hier des bords du lac, et dans un luxe inouï de fleurs et de verdure, se cachent des villas et des chalets, vrais asiles pour le bonheur s’il existait.

Vers le soir, nous nous embarquons sur un grand bateau tout blanc qui s’appelle le Rupprecht, pour aller coucher à Lindau. Il y sur le pont beaucoup de ces couples heureux que le lac, les montagnes, la belle soirée d’été, n’éveilleront pas de leur rêve. Elle est cependant incomparable, cette soirée. D’abord le ciel et l’eau sont d’un bleu très pâle, puis à mesure que le soleil s’abaisse vers l’horizon, tout prend une nuance plus profonde, du bleu foncé, puis du gris perle, grises les vagues, grises les côtes aux profils adoucis par les brumes, grises les grandes cîmes lointaines de Saint-Gall et d’Appenzell. Bientôt c’est le crépuscule, le vent devient froid et l’eau prend une teinte très sombre. Les passagers descendus en partie dans les différents ports de la côte sont maintenant plus rares, et, tout à-coup, sur ce pont désert, l’heure est presque solennelle ; le souvenir de ceux qui sont loin nous cause une sorte d’angoisse et la course de ce bateau dans le froid et dans le vent nous donne l’impression d’une fuite