Page:Bellaud-Dessalles - Impressions d'Allemagne, 1898.pdf/13

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 9 —

À Lyon, le temps est presque froid, ce qui est délicieux après la chaleur accablante de la journée. Gustave fait apporter nos soupers du buffet ; ils sont renfermés dans des boîtes de carton rose et nous nous amusons avec un tas de plats de poupée que nous y trouvons.

Vers 10 heures, nous sommes à Bellegarde et nos cœurs se serrent à ce mot de frontière, comme si une barrière de plus allait s’élever entre nous et ceux que nous laissons, et nous restons penchés aux portières pour voir le plus longtemps possible ces montagnes qui sont encore la France.

À minuit, il faut serrer nos bagages, mettre nos manteaux ; dans l’obscurité l’on aperçoit au loin une sorte de buée lumineuse, c’est Genève, et, comme dans un rêve, nous descendons de wagon, nous traversons la gare et nous entrons dans cette ville qui est restée le plus joyeux de mes souvenirs d’enfant.

À l’hôtel des Bergues où nous sommes logés, nos chambres ouvrent leurs fenêtres sur le lac, et lorsque le silence enveloppe tout, je reste longtemps à contempler ce tableau retrouvé si intact dans ma mémoire : le profil des montagnes, les contours du lac, les ponts, l’île autour de laquelle nagent les cygnes, et ma pensée va à ceux qui jadis n’ont