Page:Beecher Stowe - La fiancée du ministre, 1864.djvu/31

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CHAPITRE III.

C’était une petite pièce calme, retirée, virginale, que la chambre de Marie. La fenêtre ouvrait sous les branches d’un grand pommier alors tout chargé de fleurs rosées, et la lumière n’y pénétrait que tamisée entre ces fleurs et les feuilles nouvelles. Un doux murmure de branches agitées, le gazouillement des oiseaux, un vague bourdonnement dans les hautes herbes du verger, donnaient à cette chambre une sorte de ressemblance avec ces petites chapelles de cathédrale où l’éclat du soleil est adouci par des verrières, et dont le silence n’est interrompu que par le bruissement des fidèles qui s’agenouillent et le murmure de leur prière. C’était un petit réduit, propre, rangé, élégant, comme la cellule d’une abeille. Le lit et les fenêtres étaient garnis de rideaux d’un blanc de neige dont Marie avait elle-même tricoté les franges. Sur une petite table placée au-dessous de la glace, était rangée la bibliothèque de toute jeune personne Bien élevée de ce temps-là. Le Spectateur, le Paradis perdu, Shakespeare et Robinson Crusoé, représentant la littérature séculière, et à côté, la Bible et les ouvrages de M. Jonathan Edwards. Un peu à l’écart, comme s’il n’eût été admis qu’avec hésitation, était le seul roman que les austères matrones de la nouvelle Angleterre permissent à leurs filles : cet interminable, assommant, délicieux Sir Charles Grandisson, ouvrage dont l’influence était à cette époque si universelle qu’on en retrouve les traces jusque dans le style épistolaire des plus graves théologiens. Notre