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l’amour véritable et entonnait bravement dessus un « Je ne m’en soucie guère. »

Elle épargna sur l’argent que lui rapportait son mari de quoi acheter une petite ferme et faire bâtir le chalet qu’elle habitait encore à l’époque où commence notre histoire. Elle eut plusieurs enfants, et Georges, pendant les courts intervalles qui s’écoulaient entre ses voyages, trouvait sa maison un véritable paradis terrestre. Il naviguait toujours, se faisant, à chaque départ l’illusion qu’il rapporterait assez pour rester ensuite à la maison, lorsqu’il fut atteint sous l’équateur de la fièvre jaune, et le vaisseau revint à Newport sans son capitaine.

Georges était sincèrement chrétien ; il avait été des premiers à suivre les prédications austères et impopulaires du docteur Hopkins, et à apprécier le sublime détachement d’enseignements qui faisaient alors sensation parmi les théologiens de la Nouvelle-Angleterre. Katy professait les mêmes opinions que son mari, et la mort prématurée de celui-ci rendit plus profonds encore ses sentiments religieux. Elle s’absorba dans la religion à la façon de la Nouvelle-Angleterre, où la dévotion se nourrit de doctrines et non de cérémonies. À mesure qu’elle vieillit, l’énergie de son caractère, sa vigueur, son grand sens, la firent regarder comme une mère dans Israël. Le ministre logeait chez elle, et elle était toujours la première consultée sur tout ce qui était relatif à la prospérité de l’Église. Aucune femme n’affrontait plus courageusement un long sermon, et n’apportait une adhésion plus résolue à une doctrine difficile. Pour dire le vrai, son système doctrinal s’appuyait sur cette pierre angulaire : « M. Scudder le croyait, donc je veux le croire aussi. » Et malgré tout ce qu’on dit de l’indépendance de la pensée, le seul fait qu’un homme bon et juste a cru telle ou telle doctrine n’est-il pas un argument préférable à beaucoup de ceux qu’on invoque plus habituellement ?

Avec le temps la vieille mère de Georges fut réunie à son fils, et deux fils et une fille suivirent leur père dans la tombe. De toute la couvée une seule fille resta : c’est l’héroïne de notre histoire.