Page:Beecher Stowe - La fiancée du ministre, 1864.djvu/17

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ainsi donc Georges allait partir, emportant dans son cœur une idole devant laquelle il brûlerait un encens ignoré.

Mais il arriva que la belle mortelle qu’il adorait soupçonna cette détermination, et s’arrangea, comme les femmes y réussissent généralement, de façon à entrer avec une clef à elle dans le temple secret, parce que, comme disent les enfants, elle voulait savoir ce qu’il y avait dedans. Or donc, un soir elle rencontra Georges par hasard au bord de la mer, et, entamant avec lui une petite conversation, elle le pria si gracieusement de lui rapporter un coquillage tacheté de la mer du Sud, semblable à celui qu’elle avait vu sur la cheminée de sa mère, et cela d’un air si simple et si enfantin, que notre jeune homme répondit imprudemment que « quand les gens avaient de riches amis pour leur apporter des pays étrangers les plus belles choses du monde, il n’aurait jamais cru leur voir désirer un objet si commun. »

Bien entendu Katy ne savait pas ce qu’il voulait dire ; elle n’avait pas de riches amis. Georges alors hasarda quelques mots touchant le capitaine Blatherem, et Katy secoua la tête en disant « que si quelqu’un voulait l’insulter, il n’avait qu’à lui parler du capitaine Blatherem, » et puis ceci, et puis cela, jusqu’à ce qu’enfin on en vint à se dire tout ce qu’on avait résolu de se cacher. Katy fut presque effrayée de l’ardeur profonde et terrible de l’esprit qu’elle avait évoqué. Elle essaya de rire et finit par pleurer, et par ne plus savoir ce qu’elle disait. Mais quand, retirée dans sa chambre, elle revint à elle-même, elle trouva à son doigt une bague africaine que Georges y avait glissée, et qu’elle ne renvoya pas comme elle avait fait les présents du capitaine Blatherem.

Katy était comme beaucoup de femmes positives et pratiques qui n’ont pas en elles-mêmes la plus petite lueur de poésie ou d’idéal, mais qui rendent à ces qualités dans les autres l’hommage que rendaient les Indiens au langage inconnu des premiers blancs. Elles sont intérieurement fatiguées d’une certaine sécheresse inhérente à leur nature, et cette fatigue les dispose à idolâtrer l’homme qui leur apporte ce don inconnu. Les naturalistes prétendent que tout